Interview de Julien Fournier de la Cave des Promesses

En marge de notre première rencontre Tasters, nous nous sommes assis autour d'un verre de bon vin avec Julien Fournier de la Cave des Promesses. Les vendanges arrivent, mais le jeune papa valaisan a pris le temps de nous expliquer la naissance de son entreprise, sa façon de travailler et sa philosophie.

Tasters.ch
Lionel Rudaz
Publié
Interview de Julien Fournier de la Cave des Promesses

La Cave des Promesses, une jeune cave valaisanne pas comme les autres

Lionel: Est-ce que tu peux nous présenter la Cave des Promesses en quelques mots?

Julien: La Cave des Promesses est une jeune cave, puisque je l’ai créé en 2018, après avoir bossé comme oenologue pour deux autres domaines valaisans. J’ai senti que c’était le moment pour moi de voler de mes propres ailes.

On est une entreprise à taille humaine, même si nous avons beaucoup grandi ces dernières années, puisque nous arrivons bientôt à 100’000 bouteilles produites. Je suis entouré de vignerons performants et nous sommes très complémentaires.

On a des vignes qui sont situées entre Martigny et Saint-Léonard, ce qui fait notre force. Cela nous permet d’avoir une large diversité de cépages et de terroirs.

Lionel: Quelle est la particularité de la Cave des Promesses par rapport aux autres domaines valaisans?

Julien: La principale différence, elle est liée à notre origine. Je me suis lancé dans cette aventure sans héritage et sans avoir des sous de côté. Donc quand il a fallu trouver du financement, j’ai dû faire preuve de créativité et je suis parti sur le crowdfunding.

On sait que les banques ne prêtent qu’aux riches, donc j’étais face à un mur. Mais j’avais la chance d’avoir une belle réputation, grâce à un titre de cave suisse de l’année en 2016 avec mon précédent employeur, une certaine clientèle et un joli réseau au travers de mes autres activités, donc j’ai commencé à approcher tout ce beau monde.

J’ai eu la chance qu’on me fasse confiance immédiatement, presque les yeux fermés. En 3 mois, j’ai récolté plus de CHF 200’000, ce qui m’a permis d’aller voir les banques pour avoir les fonds supplémentaires pour créer l’entreprise.

Au final, j’ai pu faire un peu de buzz grâce à cette démarche et au soutien de ma clientèle.

Lionel: C’est génial! Est-ce que celles et ceux qui t’ont aidé sont actionnaires de la Cave des Promesses?

Julien: Alors non, le crowdfunding ne donnait pas accès à des parts de l’entreprise. C’était simplement une avance de commande sur les 10 ans à venir. Par exemple, si tu mettais CHF 1’000, tu recevais CHF 100 de vin à la première récolte, CHF 100 la deuxième année, et ainsi de suite.

Cela m’a aussi permis d’avoir l’assurance d’avoir une bonne base de clientèle dès le premier jour.

Lionel: Quels conseils donnerais-tu au toi de tes débuts?

Julien: Si je regarde un peu en arrière, après 5 ans à mon compte, je me dis que j’ai pas fait tout faux.

J’ai plus que doublé ma production. J’avais pas de vigne, maintenant j’ai 15 ha.

Si je devais me donner un conseil, ce serait simplement d’y croire. Parce qu’on a toujours des doutes. Parfois les nuits sont courtes et chahutées, on a le cerveau qui travaille, donc il ne faut pas perdre la foi, croire en soi et ça marche.

Julien Fournier explique le fonctionnement de sa cave aux Tasters.

Julien Fournier explique le fonctionnement de sa cave aux Tasters.

Julien se sent prêt à affronter les défis climatiques

Lionel: Comment se présentent les vendanges cette année?

Julien: On va dire que c’est un millésime un peu compliqué.

Souvent on a l’impression que si l’été est chaud et sec, on aura un grand vin, mais c’est un peu plus compliqué que cela. En début de printemps, le raisin a été attaqué par le mildiou, qui est une des deux principales maladies que l’on retrouve à la vigne. C’est intervenu très tôt dans l’année, on avait jamais vu ça. Mais fort heureusement, ça n’a pas eu trop de conséquence ni sur la quantité, ni sur la qualité.

Ensuite, le 24 juillet, on a eu un énorme épisode de grêle dans la partie romande du Valais. La perte est de 15 à 50% selon les endroits, le pire étant ici à Conthey. En plus de la quantité perdue, ça a également un impact sur la qualité, puisque toute la grappe a été sonnée, et il va falloir donc trier lors de la vendange pour ne garder que le meilleur.

Je ne suis pas particulièrement inquiet, mais on ne sera pas sur un millésime de rêve.

Lionel: En parlant d’intempéries, on parle en ce moment beaucoup de conséquences du changement climatique. Comment est-ce que cela affecte ton travail dans la vie de tous les jours?

Julien: On s’adapte et c’est le propre de notre métier. Chaque année est différente, ça nous oblige à sans cesse revoir notre copie et repartir de zéro.

Après, on a une nouvelle constante, c’est qu’il va faire de plus en plus chaud, avec pour conséquence de devoir revoir notre encépagement pour avoir des raisins qui supportent mieux ces conditions et bien sûr aussi les méthodes de vinification.

Mais c’est quelque-chose que j’ai fait depuis la création de la cave. Par exemple, j’ai planté des vignes de Pinot noir, un cépage qui aime les climats frais sur la rive gauche du Rhône, là où l’orientation nord permet d’avoir moins le soleil qui cogne en plein après-midi. C’est pareil avec le Païen, qui a aussi besoin de frais pour exprimer son panel aromatique, que j’ai planté sur les hauts du vignoble, également sur la même rive.

Cela veut aussi dire anticiper un tout petit peu la date des vendange. Mais en vrai, pour l’instant, cela reste gérable.

Julien Fournier mêle tradition et innovation pour mener sa cave au quotidien.

Julien Fournier mêle tradition et innovation pour mener sa cave au quotidien.

Julien est un passionné qui aime transmettre le goût des bons vins

Lionel: Nous avons sélectionné avec nos sommeliers ton Johannisberg “Promesse de typicité” dans notre sélection du Valais. Penses-tu que c’est un bon choix?

Julien: Je vais pas te dire non, de toute façon!

On aurait pu choisir une Petite Arvine qui est un peu l’emblème des vins du Valais ou un Fendant bien sûr. Mais le Johannisberg fait clairement partie des monuments des vins valaisans en blanc.

En plus, on est sur un vin typé, car on est sur les vignes de Chamoson, qui est LA capitale de du Johannis’. Je crois aussi que cette Promesse de Typicité est un vin qui est plus passe-partout, moins clivant. Il a une jolie acidité, mais pas trop, du fruit, mais aucun excès.

Pour toucher une clientèle large, plutôt débutante dans le vin, je crois que c’est un bon choix pour démarrer le parcours de Tasters Explorer.

Lionel: Quel est le vin de ta gamme que tu recommanderais pour un•e débutant•e?

Julien: A part le Johannisberg, j’aurais tendance à dire la Petite Arvine, qui est toujours assez flatteuse, ça pète quoi! Quand on est jeune, qu’on débute, on aime les vins qui sont démonstratifs.

Plus on va avancer, plus on va développer son palais, plus on ira ensuite vers des vins plus classiques. Je le remarque à la cave où des cépages comme le Pinot Noir ou le Fendant partent plus facilement avec des amatrices et des amateurs un peu plus expérimentés.

Lionel: A l’opposé, lequel de tes vins est pour toi le plus complexe et le plus intéressant?

Julien: C’est une question qui est compliquée et j’ai envie de provoquer un peu en disant le Fendant.

Le Fendant, quand on le goûte, on croit toujours que c’est le vin le plus simple, alors que c’est le contraire. C’est un cépage qui marque le terroir, le millésime, mais aussi le vinificateur. La moindre erreur ou le moindre mauvais choix se ressentira dans le verre.

J’aime cette recherche de la perfection, du souci du détail et c’est vraiment dans le Fendant que je retrouve cela. Avec les cépages plus aromatiques, on peut se permettre un peu plus de largesses.

Toute la gamme de la Cave des Promesses a été dégustée par les Tasters.

Toute la gamme de la Cave des Promesses a été dégustée par les Tasters.

Julien ne fait pas des promesses en l'air

Lionel: J'aimerais prendre une seconde pour qu'on s'attarde sur le nom de tes différentes cuvées, qui ont toutes une promesse particulière. Tu peux nous en dire plus?

Julien: Oui, chez moi, il n'y a pas de parole en l'air. Lorsque tu achètes du vin à la cave, on essaie de te garantir une qualité et une exigence au top. C'est de là qu'est venu le terme Promesse. Ensuite, on l'a appliqué sur nos différentes cuvées, pour qu'elles aient un sens pour nos clients.

Les vins les plus "faciles", comme le Fendant et le Gamay, sont les Promesses d'amitié et de convivialité. On a la Promesse d'exotisme pour le Païen, de plaisir pour la Petite Arvine et d'inspiration pour la Marsanne. En rouge, on a le caractère pour le Merlot et la sensualité pour la Syrah.

Lionel: Quelles sont les nouvelles tendances dans le vin qui te font vibrer?

Julien: On expérimente un petit peu, mais je suis très cartésien, donc j’ai des difficultés à sortir de mon cadre. J’aime les vins qui sont droits, nets, francs, précis. Donc du coup, tout ce qui est nature, sans levurage, c’est pas trop mon trip.

C’est peut-être plus sur la recherche des meilleurs contenants de vinification. On a de plus en plus de l’amphore, du béton, des foudres, qui apportent des variantes intéressantes à l’inox et à la barrique. Je suis un peu limité par la place à la cave, mais j’aimerais bien essayer de nouvelles choses dans le futur.

Lionel: Tu te dis très carré, mais ça ne t'empêche pas de faire quelques folies, non?

Julien: Tu as raison, j'aime bien innover chaque année en proposant une cuvée inédite, que j'appelle Promesse de surprise. Après avoir fait des bulles il y a deux ans et une Amigne l'année passée, ce millésime part sur un rouge gourmand avec le Diolinoir. Ca me permet de sortir de ma zone de confort, de tester de nouveaux styles et d'offrir de la nouveauté à ma clientèle la plus fidèle.

On va conclure sur une petite note d'humour, tu sais qu'on aime bien rire chez Tasters.

Lionel: Tu connais le sketch des Inconnus? Quelle est la différence entre un•e bon•ne et un mauvais•e vigneron•ne?

Julien: Les bon•nes vigneron•nes, ce sont celles et ceux qui savent sortir des grands vins lorsque le millésime devient un peu compliqué. Qu’il fasse froid, chaud, qu’il y ait de la maladie ou de la grêle, arriver à être constant•e, ça c’est vraiment la différence entre les meilleur•es et les autres.

Un immense merci à Julien pour son accueil

C'était notre première rencontre Tasters, l'occasion de se voir en vrai pour les membres de notre communauté qui grandit de semaine en semaine. Nous avons été clairement gâtés: le soleil cognait sur le Valais et la dégustation fut mémorable. 15 bouteilles à découvrir, ça n'est pas tous les jours possibles. Par contre, tu peux avoir chez toi la savoureuse Promesse de typicité de la Cave des Promesses en rejoignant Tasters Explorer.

Si tu souhaites participer à une de nos prochaines rencontres, abonne-toi à notre newsletter ou suis-nous sur les réseaux sociaux.

On se tient au jus? Reçois nos guides et nos articles par e-mail.

Inscris-toi à notre newsletter mensuelle. On refait le monde autour de bonnes quilles et on te partage tous nos coups de coeur dans le monde du vin.